Le 10 mars, Journée internationale des femmes juges, le Réseau européen de formation judiciaire a organisé avec ses membres et partenaires, une conférence en ligne riche d’enseignements intitulée « Égalité des genres dans la justice : comment y parvenir grâce à la formation ».
Des intervenants de haut niveau issus d’organisations européennes et internationales, ainsi que de certaines institutions membres du REFJ, ont partagé leurs expériences et leurs points de vue sur la manière dont l’égalité des genres doit être soutenue au sein de la Justice. Si la justice européenne est majoritairement féminine, les hommes ont tendance à occuper davantage de postes à responsabilité, et les préjugés sexistes persistent.
La conférence en ligne a réuni 260 participants, dont des juges et autres praticiens de la justice de 45 pays différents, pour discuter et identifier les possibilités de formation judiciaire favorisant l’égalité des genres dans la justice. Cet événement a contribué à créer une culture judiciaire commune et à promouvoir l’égalité des chances et la transparence dans les systèmes judiciaires européens.
Temps forts de la conférence
La juge Maria Lourdes Arastey Sahún, présidente de la cinquième chambre de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), a ouvert la discussion en explorant les racines historiques et sociologiques de l’inégalité entre les sexes au sein du système judiciaire. Envisageant la question dans une perspective multidisciplinaire, elle a souligné l’écart persistant entre les hommes et les femmes aux postes à responsabilité. Selon elle, l’égalité entre les sexes ne se décrète pas, mais doit être ancrée au sein du système judiciaire par le biais d’une prise de conscience sur le caractère dépassé d’un certain nombre d’habitudes et de reflexes. Pour y parvenir, un degré élevé de transparence est nécessaire dans les processus de sélection et de nomination. Selon elle, considérer les femmes dans le système judiciaire comme des « exceptions » au XXIe siècle n’est pas acceptable.
« L’égalité ne se réalise pas parce qu’elle est décidée normativement (…) L’égalité ne peut être formelle, elle doit être réelle », a-t-elle déclaré.
Représentant le Conseil de l’Europe, Anca Sandescu a présenté les initiatives de formation de l’institution visant à promouvoir l’égalité entre les sexes dans les différents systèmes juridiques européens, notamment par le biais du programme HELP. Elle a souligné que l’égalité des sexes était la valeur fondamentale qui guide les objectifs stratégiques à long terme du Conseil. Elle a souligné qu’au-delà de la représentation, l’égalité des sexes implique de s’attaquer aux obstacles rencontrés par les femmes dans l’accès à la justice.
Dans son intervention, la juge Sonya Djemni-Wagner a présenté les outils mis à disposition par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ). Elle a également partagé des exemples concrets d’inégalités entre les sexes tirés de sa propre carrière en France et a fait part de son engagement auprès de Femmes de Justice, une association française qui défend l’égalité des sexes dans la justice. Soulignant que l’égalité des sexes n’est pas seulement une question de femmes, elle a insisté sur la nécessité de former et de de sensibiliser les hommes à ces enjeux afin d’éviter des résultats contre-productifs.
« Au cours de ma carrière, je me suis souvent retrouvée la seule femme à la réunion », a-t-elle fait remarquer.
Lors d’une table ronde, des représentants des membres du REFJ – la juge Margreet Blaisse (membre du conseil d’administration du Centre néerlandais de formation et d’études pour la magistrature), la professeure Silvana Sciarra (présidente de l’École italienne de la magistrature), la juge Miglena Tacheva (directrice de l’Institut national de la justice de Bulgarie) et le juge Fernando Vas Ventura (directeur du Centre d’études judiciaires du Portugal) – ont présenté des exemples de la manière dont les questions d’égalité des sexes ont été abordées au sein de leurs systèmes judiciaires respectifs.
Ils ont également décrit la manière dont leurs propres institutions soutiennent l’avancement professionnel des femmes au sein de la magistrature. La discussion a souligné l’engagement des membres du REFJ en faveur de l’égalité des sexes, ainsi que le soutien unique que le Réseau peut apporter en la matière.
« Il reste encore beaucoup à faire (…) pour garantir l’égalité des chances », a déclaré la juge Margreet Blaisse. Elle a toutefois conclu sur une note optimiste : « Nous pouvons tous y contribuer et nous souhaitons tous y contribuer. »
Ajoutant une dimension internationale à cet événement, la juge Adèle Kent a partagé son expérience en tant que femme canadienne et présidente du Organisation internationale pour la formation judiciaire (IOJT). Elle a souligné que, si les défis diffèrent entre les systèmes de common law et de droit civil, la lutte contre les idées dépassées et la résistance à la régression n’en demeurent pas moins tout aussi essentielles pour faire progresser l’égalité des sexes. Elle a souligné que l’élargissement des possibilités pour les femmes de devenir juges et dirigeantes exige un leadership fort.
Tatiana Veress a présenté le programme de mentorat de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), qui soutient l’égalité des sexes à différentes étapes de la carrière des femmes grâce à un mentorat continu. Elle a identifié trois enseignements clés du programme :
- Les mentors apportent à la fois conseils et empathie, favorisant la compréhension et réduisant la peur du jugement ;
- Le dialogue entre mentor et mentorée est mutuellement enrichissant, offrant de nouvelles perspectives.
- La force collective d’une communauté peut impulser le changement plus efficacement que les actions individuelles.
La conférence s’est conclue par une intervention du professeur Piotr Girdwoyn (directeur de l’École nationale de la magistrature et du ministère public de Pologne), qui a résumé l’événement et mis en avant les actions concrètes et les programmes de formation mis en œuvre par son institution pour promouvoir l’égalité des sexes et la transparence dans les processus de sélection.
Le REFJ remercie sincèrement tous les intervenants pour leurs précieuses contributions à cette discussion stimulante, ainsi que la Commission européenne pour son soutien financier continu à la réalisation d’activités et d’initiatives efficaces dans le domaine de la formation judiciaire.
Cet événement a contribué à créer une culture judiciaire commune et à promouvoir l’égalité des chances et la transparence dans les systèmes judiciaires européens.
Les membres, membres associés et observateurs du REFJ peuvent accéder à un enregistrement de cette conférence sur l’intranet du REFJ.
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